Larguez les amarres, mille sabords !
De la thalassocratie minoenne au(x) porte-avions ultramoderne(s), du roi d’Ithaque envoûté par les sirènes melliflues au(x) supertanker(s) et aux plates-formes[1] offshore[2], des triérarques hellènes aux gardes-côtes vigilants, des mahonnes turques aux véloces runabouts, des maries-salopes aux senaus, l’homme libre toujours a chéri la mer. Tyrrhénienne ou méditerranéenne, elle déploie ses flots gris-bleu, céruléens ou outremer comme autant de lapis-lazulis[3] recouvrant ses fonds benthiques et hadaux…
Abandonnez donc la moere[4] et autres wateringues, les rus et leurs méandres subtils ! À quelques lieues des petits graus, des slikkes inondées ou des côtes accores, à plusieurs milles des flyschs et des ruz jurassiens, Poséidon et Nérée se sont donné le mot et vous entraîneront dans une infatigable circumnavigation que nuls confins ne sauraient arrêter…
Ça y est ? Vous vous êtes tous trouvé des skippers clean et caps, des yachtsmen[5] smart ? Il importe peu que vous craigniez la naupathie ou les gîtes inattendues et ne différenciiez pas le galhauban du spinnaker : dégotez-vous[6] un bosco et un capitaine ad hoc ! Vous vous êtes demandé si les sloops cheap valaient mieux que les cabin-cruisers long-courriers ? Vous ne vous êtes pas encore laissé tenter par des ketchs riquiqui[7], des chris-craft[8] nickel ou des yawls tendance ? Choisissez vite un rafiot à gréer dans un bassin de radoub et n’atermoyez pas trop : la haute mer vous attend !
Une fois quittée la terre ferme, gardez belle erre, ne vous laissez pas encalminer par la bonace et prenez garde aux mille et un périls de la navigation hauturière : combien de soi-disant globe-trotters[9] n’a-t-on pas vus, qui se sont affrontés aux grands-voiles[10] qui faseyent, à l’aulofée[11] imprévue, aux raz d’eau rapide et incoercible ! Combien de marins de bateau(x)-lavoir(s) se sont heurtés au pot au noir ou au(x) tsunami(s) submergeant les gréements marconi ! Combien de barrots et de vieux baux se sont vus brisés par les hauts-fonds, combien de bômes abattues par un maelström !
Mais peut-être vous êtes-vous portés sur des activités plus halieutiques : dans ce cas, n’oubliez pas vos araignées et vos rets – on peut même imaginer la seine[12]. Chacun pourra alors pêcher les sciènes, les harengs guais[13] et les zées clairets ! Et la chance aidant, vous admirerez sans doute la faune pélagique : orques bleues, acalèphes inconnus, scares colorés, môles aplaties ou mortels chondrichtyens…
Quoi ? Vous êtes déjà raplapla, las des scyphozoaires et de la gent pœcilotherme ? Vous préférez naviguer entre les écueils orthographiques d’une dictée ? Soit : quittons donc les flots spumescents pour l’encre marine et pour des occupations un peu moins… bateau !
Julien SOULIÉ, le 18/04/05