Le fugitif (2004) "Le Gabon"

Au sein de la forêt gabonaise, 1849

 

Il court à perdre haleine. Les fers entravent sa progression zigzagante dans la dense futaie. Il en a assez de trimer et d'être à la merci d'un tyran peu soucieux de lui verser le pécule auquel il a droit. Il s'échappe et ne veut pas qu'on l'attrape. Il ne veut pas que son bourreau le vende à des trafiquants. La sueur dégoutte de ses cheveux crépus et lui picote les yeux. Les vociférations de ses poursuivants se mêlent aux sifflements aigus des machettes qui coupent les lianes enchevêtrées. Il se déplace pourtant avec agilité dans ce fouillis inextricable.

(fin pour les juniors)

Il ne sait pas dans quel hémisphère il se trouve, ayant sans doute franchi l'équateur sans s'en rendre compte, mais qu'importe.
Au loin, un éléphant barrit. Que ce pachyderme se méfie d'individus interlopes, amateurs des deux dents dehors qu'il arbore et qui ne le protégeront pas des mercantis ! On pourrait bien retrouver cet ivoire dans une marqueterie ou une tabletterie, côtoyant l'ébène polie. Que d'incisives de proboscidiens sont devenues tessères, tesselles ou sculptures chryséléphantines !
Quand un assassin ne s'emparait pas de son morfil, trop souvent un maître vil assujettissait ce bel animal apte à force tâches.

(fin pour les seniors amateurs)

Les coupe-coupe affilés se sont tus... Des glossines harcèlent notre évadé. Des mandrills indifférents s'épouillent parmi les sipos. Cals et phlyctènes lui font souffrir le martyre. Il fuit, nu-pieds, clopin-clopant, dans le poto-poto. Harassé et semi-inconscient, il oscille et vacille.
Soudain un Pygmée, sous un dais de feuillage, lui montre l'orée de la sylve où pacageaient des damalisques qui se sont enfuis à l'approche de l'humain : près de là, des maçons banchent du pisé. Sont-ce les prémices redoutées de ce que nous appellerions un bidonville ou un ghetto ?
Sur un panonceau d'okoumé, un toponyme alimente nos espoirs : Libreville...

(fin pour les seniors professionnels)

Test pour départager les éventuels ex æquo :

Que nous aimerions dire adieu aux haillons et bâillons, maillons et chaînons ! Les hiérodules ont été affranchis, les odalisques délivrées du joug de la claustration et les gens de mainmorte, serfs taillables et corvéables à merci, ont bénéficié de la manumission. En ce vingt et unième siècle l'abolitionnisme doit toujours être le combat des antiesclavagistes...

 

Claude VANHAVERBEKE
Dico d'argent 1998, Dico d'or 2002
grand champion de la Dictée des Amériques 2003


Concours d'orthographe de Marquette-lez-Lille du 14 mars 2004