La nostalgie n'est plus ce qu'elle était...

Pourquoi les neiges d'antan nous semblent-elles plus chaudes et plus ensoleillées que les temps d'aujourd'hui ?

Pendant les innombrables années que les pharaons ont régné sur l'Egypte, il semble que Râ ait toujours brillé. Exceptés du malheur des crues du Nil trop abondantes, les Egyptiens de l'intérieur du pays semblent heureux. Le peu de piécettes qu'ont procurées leurs menus travaux contribuent à leur survie. Quant aux symptômes bronchiques dus au khamsin, leur approche holistique de la médecine vaut bien la nôtre.

Dans les rues aujourd'hui vides de Pompéi, des thermes, un tépidarium, un frigidarium, en avez-vous vu ? Et ces cariatides, déversoirs de l'eau sur le sol surchauffé au milieu des bas-reliefs ou dans un œil-de-bœuf, combien en avez-vous comptées ? Et tous ces jours idylliques sous le soleil de Campanie, sur les flancs du Vésuve où croît aujourd'hui la célèbre vigne du lacrima-christi, en avez-vous goûté ?...

Plus près de nous, à la cour de Nérac, sur la Baïse, la jolie reine Margot parlait couramment latin et batifolait avec de gents damoiseaux sous le soleil. Et de l'amour courtois au «noli me tangere», toutes les dames de beauté s'adonnaient à la danse des vertugadins.

Puis, bien sûr, le grand, le beau, le Roi-Soleil de Versailles - le peu de scrupules que ce monarque a montrés dans ses dépenses nous ont laissé un palais de rêve. Attendu les températures de ces étés enchanteurs, combien de promenades sur la rivière de l'Île Enchantée a pratiquées la jolie Louise de La Vallière ? Combien d'heures ensoleillées a-t-elle vécues ? Mais que de louis ont coûté à Louis ces minicroisières où il lui susurrait des paroles hypocoristiques bercées par la musique de Lulli...

Pauvres de nous, nostalgiques des soleils enfuis et de la lente beauté des jours d'autrefois ! Nous voici avec nos courbes isobares, nos anticyclones, nos alizés, nos bars, nos zéphyrs, abrutis par nos fax, nos start-up, nos arrobases, nos icônes colorés, nos boosters, trop souvent renseignés, incapables de rêves, sauf un jour par-ci par-là. Et nous voici, pauvres petits personnages perpétuellement perdus pleurant pathétiquement : « Mais où sont les neiges d'antan ? »...


Suzanne MENEUX