Hommage à Jean Marais

Salut à toi, qui fus le sigisbée attitré d'un poète inspiré. Toi qui prisas la coke tôt, tu ne daignas pas goûter au suc opiacé de ses pipes. Tu ne fis, nonobstant, jamais mystère de ton doux penchant pour les bellots gitons, à une époque où des ribambelles de femmes exaltées se pâmaient devant toi. Qu'elles ne sussent pas m'a toujours étonné. Tu n'imaginais pourtant pas David sans Jonathan, un escobar sans braquemart, un transport amoureux sans vit d'ange.

Et pendant que, sur l'écran, tu jouais des biceps, dans les fauteuils de moleskine cramoisie des cinémas interlopes, ils sont légion les ados vicieux qui se sont astiqué le jonc devant de lubriques grigous à la main furtive. On y vénérait le chibre avec délectation. Onan, tout excité, semait le foutre.

Tour à tour rétiaire, mousquetaire ou condottiere, tu dédaignais à l'envi lors de musclés corps-à-corps. Que tu fisses l'éphore ou l'échanson, tu affriolais les béjaunes un tant soit peu niquedouilles par tes longs métrages. Tu époustouflais les puceaux à l'acné rosacée, qui sortaient à la queue leu leu des salles obscures, hébétés et ébaubis de tant d'exploits, flapis et courbatus de s'être laissé, sans mot dire, pomper la moelle par de libidineux roquentins.

Mais on ne ferraille pas impunément avec Minos, Eaque et consorts. Les dagues, les brettes, les claymores que tu as bellement maniées, ne te sont plus d'aucun secours. La barque de Charon ne se conduit pas comme le chris-craft de Fantômas ! Orphée ne peut échapper à la vengeance de Mégère. Plus de fesses à l'air sur le boul'Mich'... Les minets gironds se déculottent aujourd'hui sur les sites rose bonbon du web en se prenant pour des stars du porno ; ils chattent d'une main sur le clavier de leurs fantasmes.

Jean, à quand ton éternel retour ? ...

 

©Jean Chalvin 2005 (Dico d'Or 2003)