Qui suis-je ?

Bordeaux, le 25 avril 1998

 

Apparues il y a quelque cinq mille ans avant Jésus-Christ, les lambrusques constituent les prémices mal connues de mon histoire. Les siècles qui se sont succédé m'ont fait connaître grâce aux peuples hellène, romain et gaulois qui ont su m'apprivoiser.
Mais quoi qu'on fît pour m'implanter çà et là, j'ai toujours adapté mon rendement aux terrains qui m'ont été imposés. Je préfère les sols crayeux, les gneiss et les schistes à l'humus meuble et généreux, riche en ions minéraux.
Plantée en hautins (hautains), sur échalas ou en ouillère(s) (ouillière, oullière), je suis courte dans le sud pour résister aux pluies d'abat et plus haute dans les régions septentrionales pour éviter l'humidité du sol. Aussi, quoique mes espèces soient variées et quels que soient les pays et les régions qui m'ont accueillie, mon cycle est immuable.


(fin de la dictée pour les juniors)


C'est quand les nones de mars sont passées que mes bourgeons commencent leur croissance. Tendres et fragiles, il sont à demi fanés quand l'aiguail matinal les effleure. Si les orages qu'il a fait au printemps n'ont pas trop abîmé mes méristèmes, des fleurs qui apparaissent au bout des pédicelles allongés, en théories nombreuses (en théorie nombreuse), qui se sont formés sur mes rameaux. La sève qui circule alors jusqu'aux extrémités de mes tiges me rend vigoureuse et donne naissance à de petits grains tout à fait surs qui mûriront au cours de l'été.
À cette époque-là, des taches vert-jaune, roses, rouge foncé ou bleu-noir envahiront mes pieds, égayant ainsi de longues allées jusque-là monotones. Ce n'est qu'après cette véraison que de vraies bonnes gens bien équipés récolteront mes baies molles, juteuses, charnues, aoûtées sous l'effet d'un soleil coruscant.


(fin de la dictée pour les seniors amateurs)


Alors ! Avez-vous trouvé ? Je suis la vigne. Plus d'un s'échangent des regards satisfaits, pensant avoir surmonté sans encombre les rets interminables de ce texte... à pépins.
J'ai dû affronter l'anthracnose qui me tachette d'éphélides gracieuses, le black-rot qui flétrit la grume, le redoutable oïdium qui me vêt de poussière grisâtre, les vers-coquins et les rhynchites cuivrés qui ne me lâchent pas la grappe. Pis ! J'ai même failli succomber lorsque racines et radicelles furent attaquées par le pourridié. Oubliés, désormais, les maladies cryptogamiques et les insectes destructeurs. Doux ami qui aimes les mots, tu en as tout ton soûl !
Maintenant que le moût repose sur les lies qui se sont formées au fond des barriques, peu me chaut de savoir si les raisins que j'ai vus croître sur mes ceps donneront des kils de picrate ou du château-lafite.


(fin de la dictée pour les champions)


Texte établi par R. BRIVAL
et révisé par B. DEWAELE (champion du monde d'orthographe)