Une histoire de grelots

Admettons que vous soyez quelqu'un de superstitieux et que vous croyiez aux vertus des porte-bonheur, grigris (gris-gris) ou talismans de tout acabit, vous ne possédez certainement pas un hippocampe en agate ni une dent d'hippopotame, mais vous avez peut-être un porte-clés (porte-clefs) muni de cochonnets ou une broche avec des fers à cheval en argent ciselé. Vous ne passez au grand jamais sous une échelle, vous touchez du bois à tout bout de champ et vous évitez de briser un miroir. Bien sûr vous croisez les doigts pour ne pas rencontrer un chat noir de jais sur votre chemin et vous avez logé un trèfle à quatre feuilles dans votre porte-monnaie. De plus, les trois brins de muguet que vous vous êtes procurés aujourd'hui même possèdent chacun une hampe à treize clochettes. Dommage qu'ils n'abritent pas une coccinelle à sept points noirs !


Le muguet, porte-bonheur de ce jour, est originaire du Japon. Inconnu en Europe dans l'Antiquité, il y arriva probablement au Moyen Âge avec de grands voyageurs qui le transportèrent sous forme de rhizome (rhizomes). Ses clochettes immaculées à la fragrance entêtante ne servent pas à tintinnabuler, vous l'auriez deviné, mais à attirer les insectes en vue de la pollinisation. Bien qu'il soit hautement toxique, le muguet fut, ô paradoxe ! jadis employé pour combattre le coryza et l'arythmie cardiaque. On raconte que si cette élégante fleur, de nos jours, porte bonheur le premier mai, c'est entre autres parce que le célèbre chanteur de music-hall Frédéric Mayol monta sur scène un premier mai des années mille neuf cent (mil neuf cent) avec, épinglé à sa boutonnière, un brin de muguet qui remplaçait son camélia traditionnel.