Scène de rue

Une fillette âgée de quatre à cinq ans se promenait sur les quais avec ses parents. Qu'elle était mignonne avec ses cheveux auburn coupés court, son visage piqué de nombreuses éphélides et ses yeux bleu pervenche aux longs cils recourbés ! Et, de plus, élégante avec sa minijupe à carreaux orange et blancs et son corsage immaculé resserré par des smocks, ou plutôt, parlons français, par des nids-d'abeilles. Dans la main gauche, elle tenait une glace qu'elle léchait avec délectation, quand un de ces gros saint-bernard bien baveux s'approcha d'elle et, avant que quiconque ait pu réagir, déroba la boule, laissant le cornet de bricelet désormais vide entre les mains de sa propriétaire interdite. Le désespoir se peignait sur le visage de la fillette qui éclata soudain en pleurs. Témoin de la scène, je me demandais (demandai) qui, des maîtres du chien ou des parents, remplacerait l'objet du délit. Ce ne furent ni les uns, ni les autres. Une octogénaire généreuse mais qui ne gagnait peut-être pas des mille et des cents vu la simplicité de sa tenue, s'approcha de l'enfant en disant : « Tiens, petiote, prends ma glace que je n'ai pas encore touchée. Ce n'est pas celle que tu avais choisie, mais je te l'offre de bon cœur si tu aimes la fraise et le chocolat. » Tout heureuse, la petite saisit le cadeau en marmottant un gentil « merci » puis appliqua un gros baiser sonore sur la joue de la dame. Quant à moi, je pensai à immortaliser cette scène impromptue : j'allais faire appel à un collaborateur de la « Tribune de Genève ». Contacterais-je Julie dont les « Encre bleue» quasi quotidiennes sont si savoureuses ou Jérôme Estèbe qui croque chaque semaine des «Scène de rue» enchanteresses ? Sacré dilemme !