Lettre à mon ami Camille

Cher ami, je t'écris de la cafétéria du musée de l'Hermitage à Lausanne, où je suis attablée devant un cappuccino crémeux. C'est en feuilletant le supplément «Week-end» de la « Tribune de Genève» que j'étais tombée, il y a quelque temps, sur un article dithyrambique vantant l'exposition que je viens de visiter. Je n'aurais pas pensé que le musée de Montpellier, qui a prêté les toiles accrochées aux cimaises (cymaises), possédât de tels chefs-d'œuvre ! J'imagine la joie que tu aurais à revoir pour la ixième fois certaines toiles exposées ici, toi qui, des années durant pendant tes vacances, as hanté bon nombre de musées, traquant les œuvres des impressionnistes, à Saint-Pétersbourg comme à New York, Paris, Philadelphie ou Lugano. Quel bon souvenir je garde des séances de diapositives commentées dont tu nous gratifiais à ton retour ! Pour l'instant, me voilà tout heureuse d'avoir trouvé pour toi à la carterie (Carterie) la photo d'un tableau que j'ai particulièrement apprécié. Ce village méditerranéen aux maisons ocre et, assise sous un pin au premier plan, cette jeune fille vêtue d'une robe blanche aux rayures nacarat ne forment-ils pas une composition des plus harmonieuses ?


Voilà, cher Camille, ce que je t'aurais écrit si tu ne nous avais pas faussé compagnie il y a quelque six mois. Comme je les regrette, nos agapes occasionnelles, nos discussions animées et tes talents de conteur hors pair qui savait transformer la moindre anecdote en une histoire savoureuse. Mais restent, témoins de notre amitié, dans une jolie boîte métallique qui jadis, avait contenu des petits-beurre, les cartes postales que tu m'envoyais des quatre coins du monde, auxquelles je joindrai, en rentrant ce soir, « La vue du village » de Bazille.