Un petit village, une grande histoire

Agrippé à flanc de coteau, le village de Fagnolle domine le château fort en ruine planté dans une vallée fangeuse de quelque cinq cents mètres de largeur.

Randonneur, vététiste, cavalier, imagine que, dans un âge protohistorique, ces forêts d'Entre-Sambre-et-Meuse virent nos ancêtres déchiqueter de leurs épieux l'ours et l'aurochs, que des Romains y décimèrent des Gaulois et leurs vergobrets, traversèrent leurs pagi en taillant de larges voies sur la crête des collines calcaires. Témoignent de leur passage temples, villas et tumuli, détruits par des Francs qui y battirent le briquet, perdirent leurs scramasaxes damasquinés dans les sentiers zigzagants des halliers.

Vois le temps féodal des alleux banaux, avec les masures en pisé et en chaume. Une maison forte à donjon de bois fut-elle construite il y a un millénaire ? Une ferme hospitalière accueille un monde hétérogène : gueux et guerriers, pèlerins vers Saint-Jacques de Compostelle. Un château rectangulaire imposant s'implante dans la mouillère. (Il n'était pas nécessaire qu'il plût des hallebardes pour inonder les abords ; malgré la soif des joncs et des saules sympatriques, le terrain schisteux embourbait les intrépides). Le protègent quatre tours saillantes aux angles, des coiffes en éteignoir, une muraille crénelée couronnée de mâchicoulis, un chemin de ronde couvert. Entre la Champagne et la vallée mosane, la place forte monte la garde. Le banneret exige le tonlieu, le terrage, l'octroi aux marchands de bestiaux, aux fabricants de blende, de fer, de marengo, aux trafiquants de guisarmes, de haquebutes (hacquebutes), d'espingoles et de vouges, condamne à la hart les braconniers experts en ichnologie.

Suis l'invite du héraut d'armes en jaseran et en tabar (tabard) blasonné, un écu sur le caparaçon de son cheval. Entre dans la salle où un minnesänger chante une ballade plaintive au son d'un cistre, admire les jongleurs et les peintures a tempera, goûte l'hypocras et le sirop de bouillon-blanc.

Fief hennuyer, seigneurie souveraine enclavée dans la principauté de Liège, Fagnolle connut les vicissitudes des temps troubles, des héritages, des mésalliances (j'en passe et des meilleures). La terre franche tombe en quenouille.

Au XVIe s., Anne de Montmorency, connétable cruel d'Henri II adversaire de Charles Quint s'empare de la forteresse qui devient champ de ruines. Les Ligne, barons, puis comtes, l'acquièrent. Le plus célèbre, Charles-Joseph, feld-maréchal, diplomate, érige la terre en comté. La Révolution française l'absorbe.

Pendant plusieurs décennies, le lieu est une véritable carrière où les constructeurs de tout poil puisent leurs matériaux. Aujourd'hui, les canards lancent leurs coin-coin nasillards aux émouchets rôdaillant aux alentours.

Une restauration lente et sûre des bâtisses témoins fait renaître des espoirs touristiques. Ami promeneur, savoure les charmes cachés d'un beau village de pierre et de cœur.

 

Roland Gérin
Namur, 8 mai 1999
Champion de Belgique 1999

 

Test de départage :

1. En glyptique, le lapidaire utilise une scie rotative garnie d'un bort, ensuite une meule en Carborundum et une en grès pour la taille finale ; enfin a lieu le polissage au tripoli ou kieselguhr.

2. Pour un bijoutier-joaillier, aucunes pierreries ne rivalisaient avec ce chatoyant œil-de-chat, chrysobéryl vert tilleul de la famille des quartz dont la rareté ainsi que le rai de lumière vif-argent, extrafin et non réfracté augmentaient la valeur