Chers professeurs de français,

Quoique en tout état de cause il siée que chacun croie au bien-fondé de notre idiome bien-aimé - fût-ce par acquit de conscience -, qu'on n'en conclue pas pour autant qu'il sache déjouer les mille et un casse-tête (casse-têtes) et chausse-trappes (chausse-trapes) que recèlent les arcanes ambigus de notre langue ! Car nombreux sont les guets-apens lexicaux et les crocs-en-jambe grammaticaux auxquels nous nous sommes tous laissé prendre à l'envi. Quoi qu'on en dise, nous avons tous eu, un jour, quelque élève irascible ou plein de bonhomie pour révéler crûment ou ingénument notre imbécillité en l'occurrence. Tout ballottés que nous sommes entre les solécismes et les hapax (apax), est-il malséant que l'on en rie sans façon ? Faut-il que, nûment, nous criions notre désespoir ? Quelles que soient les règles de notre orthographe et quelque vieux jeu ou abstruses que nous les voyions, n'est-il pas préférable que l'on s'y attelle continûment et sans détour ?

Finalement, faudrait-il vraiment que vous vous ennuyiez à enseigner cette pléthore de règles que l'on martèle durant ces siècles qu'ont duré maints cours de français ? Après tout, les élèves se sont-ils jamais rappelé les connaissances et les savoir-faire qu'ils se sont vu prodiguer dans leur jeunesse ?

Vous préférez poser aux gendelettres ? Soit. Mais vous avez tous anhélé à qui mieux mieux sur des ballades et des lais laids ou des épithalames rococo, ahané sur des atellanes drolatiques en mètres trochaïques ou sur des stichomythies hellénistiques ; vous vous êtes arraché les cheveux sur des lipogrammes alambiqués et des anagrammes tarabiscotées, escrimés sur des synecdoques inaccoutumées et des hendiadyins sophistiqués... D'aucuns se sont même, sans nulles ambages, tordu la langue à ânonner des canzones valaisannes, ou se sont colletés aux lieder de minnesingers moyenâgeux. Peut-on endurer tant de logogriphes amphigouriques sans que la périssologie menace ? N'allez donc pas faire seppuku pour quelques haïkus ! Et bien que souvent l'on ne coure pas à vos cours pour rester dans la cour, ne restez pas court : si l'orthographe et la grammaire françaises sont vaches, ne demeurent-elles pas nonobstant les deux mamelles de l'enseignement ?

 

Julien SOULIÉ